top of page

I’ll be missing you, Land

Fabien Rodrigues

« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ! », disait Lamartine dans son Isolement... C’est ce qui semble s’appliquer de manière à la fois intense et subtile aux personnages de Funeral Blues – The missing cabaret produit par les Théâtres de la Ville de Luxembourg et présenté cette semaine au Grand Théâtre. Car dans ce cabaret en anglais empreint d’esprit et de flegme britannique, c’est bien la souffrance de l’absence d’autrui qui tient le rôle-titre à travers les interprétations du poète William H. Auden et de son amoureux platonique, le compositeur Benjamin Britten.

Ce sont ces trois personnages qui retrouvent vie ici sous la direction du metteur en scène franco- britannique Olivier Fredj, dans cette version co-produite par le Théâtre de Caen et co-commandée par le Théâtre des Bouffes du Nord. Alternant musique, poésie, chant, danse et même marionnettes improvisées, le baryton Laurent Naouri et l’acteur Richard Clothier – qui interprètent respectivement Britten et Auden – tentent de mettre des mots, des intentions, des réponses sur des questions trop grandes pour eux, sur le pourquoi et le comment de l’amour, sur la survie malgré l’absence, tan- dis que leur fantasque voisine, ici incarnée par la pianiste Cathy Krier, accompagne l’action en musique lorsqu’elle ne se met pas en scène à chaque occasion, pour masquer sa solitude et cette relation passionnelle qu’elle préfère simulée plutôt que dé- truite. La promesse peut faire peur par sa densité, il n’en est rien – bien au contraire.

Les scènes s’enchaînent sans effet de style inutile. On peut même regretter que l’excentrique demoiselle ne le soit que finalement assez peu dans cette version, mais c’est sans compter sur la qualité de jeu de ce trio suranné...

comme lors de ces superbes scènes où le corps de l’un disparaît pour la caresse de l’autre, spectateur éphémère de ce que provoque son absence auprès d’un être aimé et aimant...

La mise en décor quant à elle joue son rôle de faire- valoir juste ce qu’il faut, offrant d’un côté des supports visuels pertinents à l’histoire d’Auden et Britten, la scène initiale de la douche insufflant par exemple une atmosphère homo-érotique difficilement ambi- güe, et un joyeux capharnaüm criant de vérité dans l’appartement de la pianiste.

LUXEMBURGER WORT

Le Studio du Grand Théâtre affichait complet, jeudi soir, pour une création mondiale signée Olivier Fredj, «Funeral Blues – The missing Cabaret». Vibrant hommage au poète Wystan Hugh Auden et au compositeur Benjamin Britten, ce spectacle en langue anglaise a également lancé un clin d’œil à la célèbre artiste burlesque américaine, Gypsy Rose Lee. Les interprètes de ce cabaret d’un genre très particulier, l’acteur britannique, Richard Clothier, le baryton français Laurent Naouri et la pianiste luxembourgeoise Cathy Krier, ont donné le meilleur d’eux-mêmes sur scène et ont réussi une performance aussi mémorable que touchante.

Le metteur en scène Olivier Fredj est parvenu à tisser une trame dramatique originale reliant les différentes parties du spectacle. Aussi a-t-il sciemment choisi de respecter l’œuvre exceptionnelle d’Auden, ainsi que la musique de Britten.

Le sérieux et le talent avec lesquels les interprètes ont abordé leur rôle ont permis au public de se plonger dès le départ dans un univers qui, s’il a semblé au premier abord coloré, loufoque et superficiel, a peu à peu fait place à une remise en question et un éventail de sentiments profondément humains.

Laurent Naouri a brillé dans le rôle très physique du compositeur Britten, déployant avec joie ses talents conjugués de danseur comique, d’acteur et de chanteur polyvalent, passant du style opér- atique à un caractère carrément populaire, ou encore au jazz.

Comme il fallait s’y attendre, le personnage le plus marquant de «Funeral Blues – The missing Cabaret» est celui de Wystan Hugh Auden, poète de génie qui se remet constamment en question et qui, tout en observant avec peu de complaisance le monde qui l’entoure, parvient à exprimer ses émotions et son désespoir avec une sensibilité extraordinaire, laissant toutefois entrevoir, par moments, une ironie perçante. Richard Clothier a fait vivre ces vers de façon magistrale, les servant avec des variations d’intensité et de rythme inouïs, leur insufflant une sincérité émotionnelle rare.

metteur en scène

bottom of page